Les normes ESRS au cœur de la directive CSRD et du reporting de durabilité

Par Solene Alonso

Vous voyez se resserrer l’étau sur les données sociales, avec des attentes claires pour les effectifs, la formation, la diversité et la santé, et des comparaisons inter-entreprises plus fines, auditées, traçables. Ce tournant s’appuie sur la directive csrd qui fixe des exigences européennes mesurables et vérifiables pour objectiver pratiques RH et impacts sociaux.

Vos équipes RH deviennent des fournisseurs de données, pas des approximations. Pour y parvenir, vous structurez un reporting de durabilité fiable, auditable, et vous atteignez une conformité réglementaire qui résiste aux contrôles, sans angles morts.

Cadre juridique et portée des obligations en europe

Depuis 2024, la CSRD remplace progressivement la NFRD et encadre le reporting de durabilité pour les grandes sociétés opérant dans l’UE. Les textes sont adoptés et précisés par la commission européenne, avec des actes délégués publiés au Journal officiel. Le dispositif rend auditable l’information publiée, renforce l’accès aux données et prévoit des exigences de vérification proportionnées. Les groupes non européens avec activité significative dans l’Union sont visés, y compris via des obligations au niveau consolidé.

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Le dispositif s’inscrit dans le cadre législatif européen et définit clairement un périmètre d’application, la nature de des obligations extra-financières et les entreprises concernées. Les informations doivent couvrir la gouvernance, la stratégie, les risques et les indicateurs, avec articulation aux politiques publiques climatiques et sociales. Des exemples concrets existent déjà: une société cotée au règlement Prospectus publie selon ESRS, tandis qu’une filiale importante peut rapporter via la consolidation du groupe.

Structure des normes esrs et périmètre du reporting

La colonne vertébrale repose sur ESRS 1 (principes généraux) et ESRS 2 (informations transverses), qui structurent des normes transversales. Les autres standards couvrent l’environnement, le social et la gouvernance, puis viendront les normes sectorielles pour refléter les spécificités métiers. Les périmètres financier et opérationnel doivent être décrits, y compris la chaîne de valeur. Points clés à cadrer avant publication:

  • Périmètre de consolidation et entités exclues
  • Scénarios, hypothèses et limites méthodologiques
  • Traçabilité des données chiffrées et qualitatives
  • Articulation avec la taxonomie et SFDR
Astuce : alignez vos contenus ESRS 2 avec l’audit interne pour limiter les retraitements.

Le dispositif impose une cohérence d’ensemble via un référentiel harmonisé qui inclut les informations de gouvernance, de stratégie et de gestion des risques, tout en mettant l’accent sur les thématiques sociales pertinentes selon l’analyse de matérialité. Un groupe multi-pays décrira, par exemple, ses politiques RH, ses objectifs chiffrés et ses plans d’action, avec des indicateurs rapprochés du périmètre de consolidation et des activités externalisées.

Calendrier d’entrée en vigueur et seuils d’éligibilité

Les sociétés déjà couvertes par la NFRD publient en 2025 sur l’exercice 2024, puis les autres grandes entreprises publient en 2026 sur 2025. Les PME cotées suivront en 2027 sur 2026, avec possibilité de report jusqu’en 2028, et les groupes non européens concernés en 2029 sur 2028. Ce déploiement illustre une entrée en vigueur progressive et s’appuie sur des seuils financiers harmonisés à l’échelle de l’UE.

Les critères d’inclusion reposent sur le dépassement de deux seuils sur trois: total de bilan de 20 M€, chiffre d’affaires net de 40 M€ et le nombre de salariés d’au moins 250. Les filiales peuvent être consolidées, selon la structure de groupe et la présence sur un marché réglementé. Ce rythme respecte un phasage par taille afin d’organiser la collecte, le contrôle interne et l’assurance du reporting ESRS.

Double matérialité : principes et méthode d’évaluation

Une évaluation robuste commence par la définition d’un périmètre thématique et l’analyse des chaînes de valeur, avant d’écouter les attentes exprimées. Les décisions se fondent sur la matérialité d’impact pour qualifier les conséquences sur l’environnement et le social, et sur une matérialité financière pour estimer les effets sur performance et valorisation, nourrie par le dialogue avec des parties prenantes clés.

La hiérarchisation s’appuie sur la cartographie des risques qui croise gravité, ampleur et probabilité, puis traduit ces constats en objectifs, plans et indicateurs. Viennent alors des seuils de déclenchement, des responsabilités claires et une priorisation des enjeux documentée. Un exemple parlant: des incidents sécurité récurrents peuvent justifier des investissements, des formations ciblées et une revue de la gouvernance opérationnelle.

Note à retenir : la double matérialité relie impacts réels et risques financiers pour éclairer les arbitrages, du conseil d’administration aux fonctions opérationnelles.

Esrs s1 : gestion des effectifs et attentes sociales

La norme S1 exige une approche systémique de la gestion sociale et une documentation précise des politiques et processus RH. Elle couvre les politiques publiques, la gouvernance, l’évaluation des risques et les dispositifs de remédiation opérationnels. Voici les champs à structurer pour votre reporting:

  • Cartographie des risques et mesures sur les conditions de travail
  • Gestion des contrats, sous-traitants et le personnel propre
  • Organisation, prévention, formation et suivi de la santé au travail
  • Objectifs, actions et résultats vérifiables

Les attentes incluent des ambitions chiffrées, un dialogue social actif et des preuves d’impact sur une égalité de traitement réelle, du recrutement à la progression.

Des rôles clairs entre RH, HSE et conformité facilitent la remontée d’information, réduisent les écarts entre sites et accélèrent la remédiation. Les consultations des représentants, les enquêtes éthiques et les voies de recours doivent être accessibles, traçables et closes avec actions correctives. La priorisation s’appuie sur des analyses de risque, l’historique des incidents, des audits tiers et des retours employés, avec transparence sur périmètre, hypothèses et limites.

Indicateurs sociaux clés : égalité, formation, santé-sécurité

Le pilotage s’appuie sur des définitions normalisées, des bases d’heures, et une consolidation robuste. Pour comparer des métiers hétérogènes, vous devrez documenter les méthodes de calcul, les exclusions et les seuils de matérialité, puis expliquer les écarts entre entités. La fiabilité des rapports progresse nettement lorsque l’on publie des indicateurs quantitatifs alignés sur la norme, en précisant la granularité, la fréquence et les responsables de contrôle. Les analyses par quartile éclairent l’égalité salariale et ses déterminants.

Le tableau suivant récapitule quelques référentiels usuels et leur correspondance ESRS:

IndicateurDescriptionUnitéESRS
Taux de fréquenceAccidents avec arrêt rapportés aux heures travailléesPar million d’heuresS1-14
Taux de gravitéJours perdus liés aux accidentsJours pour 1 000 heuresS1-14
Écart de rémunérationMédian et moyen, à périmètre comparablePourcentageS1-12
FormationMoyenne annuelle par FTEHeures par salariéS1-13

Les plans d’amélioration gagnent en crédibilité avec des jalons, des budgets, et le suivi de des heures de formation par catégorie et zone géographique.

Données et systèmes rh : qualité, traçabilité et contrôles

Pour respecter les exigences de l’ESRS et de la CSRD, les équipes structurent les flux de données RH, le référentiel et les cycles de clôture. Elles documentent les sources, horodatent les extractions et gèrent les versions. L’intégration entre paie, temps, SIRH et finance s’appuie sur un système d’information rh, afin d’assurer la fiabilité des données et une traçabilité des indicateurs du site jusqu’au reporting consolidé.

Les tableaux de bord doivent permettre la désagrégation par pays, sexe, statut d’emploi, catégorie professionnelle et unité opérationnelle. Des seuils et règles de consolidation sont testés avec la finance, puis documentés pour l’audit. Les pistes d’audit, la séparation des tâches et des réconciliations automatisées complètent des contrôles internes, facilitant l’assurance limitée puis raisonnable sur la section sociale du rapport de durabilité.

Gouvernance sociale, dialogue avec le personnel et remédiation

La gouvernance sociale s’appuie sur des rôles clairs, une supervision par le conseil et des responsabilités tracées jusqu’aux managers. Les politiques décrivent les instances, les calendriers et les modalités d’escalade. La négociation collective est reconnue, tout comme la liberté syndicale, tandis que un dialogue avec les salariés s’organise avec les représentants du personnel pour identifier impacts, priorités et plans d’action mesurables.

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Les mécanismes d’alerte couvrent harcèlement, discrimination, travail des enfants et risques H&S, avec indépendance opérationnelle et absence de représailles. Des délais, canaux multilingues et retours aux plaignants sont précisés, tandis que des procédures de recours définissent l’escalade et la réparation. Lors de changements majeurs, une consultation formalisée précède la décision et les preuves sont archivées pour l’audit.

Note à retenir : une cartographie des risques sociaux reliée au registre des plaintes accélère la remédiation et améliore l’assurance sur l’ESRS S1.

Assurance externe, contrôles et documentation probante

Le contrôle externe des informations de durabilité exigées par les normes ESRS démarre avec l’exercice 2024 pour les grandes entités sous CSRD. En France, la mission est portée par des commissaires aux comptes habilités à intervenir sur le reporting extra-financier. Les premières campagnes se déroulent sous une assurance limitée selon ISAE 3000 (révisée) ou ses équivalents nationaux, avec un cadrage portant sur les processus, systèmes et périmètres publiés.

Vous devez documenter les sources, les extractions et les contrôles qualité pour chaque indicateur social et environnemental. Pour être reproductibles, les calculs s’appuient sur la piste d’audit (versions, validations, anomalies, corrections) et sur des règles d’archivage horodatées. L’objectif est d’aboutir à une vérification indépendante qui couvre échantillonnage, recoupements, tests ITGC et revues analytiques sur les esrs csrd.

Alignements internationaux et simplifications prévues

L’EFRAG et la Commission européenne travaillent à renforcer l’interopérabilité du reporting de durabilité. Les exigences transverses et climatiques intègrent progressivement un alignement avec ifrs s1 s2 afin d’éviter les doublons pour les émetteurs globaux. Cette convergence vise la cohérence internationale tout en préservant la double matérialité et les spécificités sociales des normes esrs.

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Plusieurs mesures de simplification privilégient la clarté des divulgations et la lisibilité pour les utilisateurs. Les travaux portent sur la rationalisation des points de données, la consolidation des définitions et, pour certaines entités, sur la réduction des exigences via des phases d’allègement et un phasage des obligations, tout en maintenant la traçabilité et la comparabilité pour les investisseurs.

Intégration des normes esrs dans la fonction rh et création de valeur

Relier les exigences ESRS à vos processus RH transforme la fonction en moteur de création de valeur. Vous définissez des politiques, des rôles et des responsabilités, puis vous formalisez une gouvernance sociale soutenue par des objectifs mesurables alignés sur la stratégie. Sur cette base, un pilotage opérationnel oriente priorités, ressources et arbitrages, tout en rendant auditable le suivi S1.

Concrètement, vous reliez indicateurs RH (turnover, absentéisme, fréquence d’accidents, heures de formation) à des plans d’action et à des budgets. Cette approche renforce la performance des équipes et accroît l’attractivité des talents, car les progrès deviennent visibles, comparables et reliés aux décisions managériales. Exemple: fixer un taux de gravité cible, le lier aux évaluations des managers, publier l’avancement trimestriel et corriger les dérives avec les partenaires sociaux.

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