70 heures hebdomadaires entre consultations, visites et tâches administratives, quarante patients par jour, des soirées sacrifiées, un cabinet saturé, aucune respiration encore possible pour ce généraliste.
Ce rythme ne relève de la vocation mais d’une mécanique épuisante, que des praticiens jugent intenable. Sous une surcharge de travail médicale chronique et la pénurie de généralistes dans sa région, sa décision de déconventionnement s’impose, avec des honoraires libres qui protègent le temps, tandis que certains patients renoncent parfois à se soigner ou retardent consultations.
Entre surcharge et épuisement, le quotidien qui l’a conduit à rompre avec l’Assurance maladie
À Cambrai, le docteur Arnaud Lerouge décrit ses semaines de généraliste comme une lente dérive, avec près de 40 consultations certains jours et des astreintes qui débordent sur les soirées. Ces journées à rallonge finissent par ronger le temps consacré à sa famille et briser tout équilibre vie professionnelle et personnelle, jusqu’à rendre chaque congé presque culpabilisant.
Le rythme imposé à son cabinet ne laisse presque aucun temps mort entre deux patients. Dans ce cadre, la cadence des consultations serait dictée par les impératifs de l’Assurance maladie, avec jusqu’à 70 heures par semaine. Il dit avoir vu monter un épuisement professionnel du médecin, fait de tension, d’insomnies et de lassitude.
Que change la déconvention pour le remboursement des soins ?
Depuis sa déconvention, Arnaud Lerouge fixe librement ses honoraires et facture 50 euros la consultation, contre 25 euros lorsqu’il était conventionné avec l’Assurance maladie. Selon les règles de remboursement, l’Assurance maladie ne retient plus que le tarif d’autorité de 0,61 euro mentionné sur service-public.fr, ce qui change profondément la logique de remboursement.
Pour les patients, la différence se voit immédiatement sur le relevé de Sécurité sociale. La prise en charge du patient ne porte plus que sur quelques centimes, et le reste à payer dépasse désormais 49 euros à chaque visite.
Un choix encore rare qui expose la crise de la médecine de ville
Le geste d’Arnaud Lerouge reste marginal à l’échelle nationale, avec à peine une quarantaine de généralistes déconventionnés depuis le début de l’année 2023 en France. Pour de nombreux confrères, ce choix traduit une médecine libérale en tension, prise entre explosion des demandes, pression administrative et difficultés à recruter dans les cabinets de ville.
Le 13 octobre 2023, tous les syndicats de médecins libéraux ont appelé à une journée de grève pour dénoncer la faible revalorisation des actes. Dans les médias, le chirurgien Philippe Cuq a rappelé que l’accès aux soins se dégrade déjà dans de nombreux territoires, faisant de ces déconventions un signal d’alarme adressé aux pouvoirs publics.