Arrêts maladie dans la fonction publique : pourquoi la réforme ne rapporte pas ce qui était promis

Par mediavenir

Sous la pression d’un absentéisme jugé élevé, le gouvernement a resserré le cadre des arrêts maladie. Cette réforme de l’indemnisation des arrêts pour les agents publics se voulait exemplaire.

Les projections budgétaires annonçaient des gains rapides pour les finances de l’État, portés par un nouveau dispositif. Avec l’instauration d’un jour de carence sur une vaste masse salariale publique, les économies attendues se chiffraient en centaines de millions, la pratique quotidienne brouille ce scénario sur le terrain.

Ce que le gouvernement attendait de la réforme

À l’automne 2024, le ministre Guillaume Kasbarian détaille dans Le Figaro une réforme des arrêts maladie pour les trois fonctions publiques. L’Inspection générale des finances y voit une dépense de 15 milliards d’euros en 2022, jugée incontrôlée par Bercy. La réforme est présentée avant tout comme un outil de objectifs budgétaires pour le prochain budget.

Dans les versions de travail, le gouvernement retouche plusieurs fois le mécanisme de carence et d’indemnisation. La formule finalement retenue à l’hiver 2025, avec remboursement limité à 90 % du traitement, est défendue au nom d’un alignement public-privé et d’une réduction de l’absentéisme prétendument mesurable. Le cadrage IGF annonce alors jusqu’à 900 millions d’euros d’économies, dont 300 millions attribués à la fonction publique territoriale.

Sur le terrain, des économies très en deçà des promesses

Les premières remontées chiffrées publiées par Adelyce montrent un écart massif entre les promesses gouvernementales et les résultats observés dans les collectivités. Selon l’éditeur, les économies réalisées atteignent seulement 0,17 % de la masse salariale en moyenne, loin des centaines de millions d’euros annoncés lors des débats budgétaires.

L’exemple fréquemment cité est celui d’une ville dont la masse salariale atteint 25 millions d’euros, pour seulement 42 500 euros d’économies en année pleine. La courbe des arrêts ne se infléchit guère, et plusieurs directeurs voient apparaître un effet de bord : les agents prolongent leurs congés ou les déplacent, sans que le territoire communal ne bénéficie réellement d’une moindre désorganisation, comme le montrent les exemples ci-dessous.

  • Écarts marqués entre projections nationales et gains observés dans les budgets locaux.
  • Effet limité sur la fréquence et la durée globale des arrêts maladie dans les services.
  • Transferts de charges vers d’autres dispositifs de protection, moins visibles dans les statistiques.
  • Difficulté pour les exécutifs locaux à justifier une réforme perçue comme peu rentable.
Pour une masse salariale de 25 millions d’euros, Adelyce ne mesure que 42 500 euros d’économie annuelle, soit 0,17 %, bien loin des ambitions affichées au lancement de la réforme.

Comment les agents contournent la baisse d’indemnisation

Dans les services, les responsables RH constatent que la réforme n’a pas fait disparaître les congés maladie, mais en a modifié la forme. Des médecins signalent ainsi un allongement des arrêts : plutôt que trois jours mal indemnisés, certains agents se voient prescrire plusieurs semaines lorsqu’un problème de santé apparaît.

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D’autres préfèrent activer des dispositifs mieux protégés, quitte à mobiliser la médecine et les services de ressources humaines. Une partie des situations bascule vers la qualification d’accident du travail, qui ouvre droit à une indemnisation intégrale lorsqu’un lien avec l’activité professionnelle est reconnu. Les demandes de mi-temps thérapeutique progressent, car ce dispositif garantit le maintien du salaire tout en permettant une reprise encadrée, moins coûteuse pour les agents fragilisés.

Conséquences pour les collectivités : finances, organisation, climat social

Pour les communes et intercommunalités, le gain financier lié à la réforme reste mince au regard des attentes affichées à Paris. Les 0,17 % d’économie moyenne mesurés par Adelyce se heurtent ainsi à des coûts résiduels élevés : remplacements, heures supplémentaires, intérim, sans oublier les jours de carence déjà financés par les employeurs locaux.

Sur le terrain, des élus comme Thomas Fromentin, à la tête de l’agglomération de Foix-Varilhes en Ariège, décrivent des services continuellement réorganisés pour faire face aux absences. Cette gestion du service sous contrainte alimente des tensions sociales, tandis que les équipes de RH territoriales, à Antibes ou dans la communauté Sophia Antipolis, passent leurs journées à recomposer les plannings.

Un révélateur du malaise dans la fonction publique

Le double rejet des textes sur les arrêts maladie par le Conseil commun de la fonction publique a marqué les syndicats comme les employeurs. Cette séquence a renforcé une défiance des agents envers les décisions centrales, d’autant que les employeurs territoriaux n’avaient pas vraiment la possibilité de choisir un autre dispositif.

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Sur le terrain, la responsable de service Laurence Malherbe, qui encadre une quarantaine d’agents à Antibes et Sophia Antipolis, décrit des personnels déjà fragiles face au coût de la vie. Pour ces salariés, la perception de la réforme se mêle à leur vulnérabilité financière, et les pertes de revenu nourrissent un ressentiment durable qui complique le dialogue social sur la santé et les conditions de travail.

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