Patronat et exécutif croisent le fer sur la durée d’indemnisation liée aux ruptures conventionnelles. Sous les projecteurs médiatiques, s’invitent la réforme annoncée et la négociation sociale, nourrissant une querelle budgétaire.
Des tables de cafés aux bureaux feutrés, chacun jauge les conséquences potentielles d’un plafonnement plus strict de l’indemnisation. Pour les directions financières, une baisse d’allocations clarifierait la prévisibilité des coûts de départ. Les syndicats, eux, redoutent un transfert du risque vers les foyers déjà fragilisés. Quant aux salariés négociant leur sortie, ils comptent encore sur l’accord à l’amiable pour amortir le choc sans épuiser leur trésorerie personnelle, à court terme.
L’initiative du Medef face aux objectifs budgétaires du gouvernement
Patrick Martin a souligné sur Franceinfo que restreindre la durée d’indemnisation après une rupture conventionnelle permettrait de dégager plusieurs milliards d’économies entre 2026 et 2029. Selon lui, la maîtrise de les dépenses publiques passerait par un dispositif plus court incitant rapidement les bénéficiaires à reprendre une activité ou trouver un poste.
Le projet s’inscrit, selon le dirigeant du Medef, dans un effort budgétaire partagé : l’exécutif vise 2 à 2,5 milliards € d’économies annuelles, objectif qu’il souhaite conjuguer avec un marché du travail plus fluide. De son côté, la position patronale rappelle que la procédure a réduit les contentieux, mais redoute qu’un durcissement excessif fragilise un outil apprécié par les entreprises.
- Durée d’indemnisation actuellement : jusqu’à 27 mois.
- Délai de carence maximal : 5 mois, potentiellement relevé.
- Objectif gouvernemental d’économies : 2 à 2,5 milliards € par an.
Les chiffres clés qui alimentent le débat
D’après les chiffres de la Dares, 514 000 ruptures conventionnelles ont été validées en 2024, contre 440 000 en 2019. Ce différentiel, matérialisé par le bond de 17 %, alimente l’idée qu’une partie des employeurs utilise l’accord amiable pour contourner la voie classique du licenciement dans la pratique du quotidien.
Pour l’Unédic, l’augmentation des sorties par accord amiable génère la charge financière principale du régime, car la contribution des entreprises n’évolue pas au même rythme. Par contraste, les démissions comparées n’ouvrent qu’exceptionnellement l’accès à l’allocation, détail que les syndicats mettent en avant pour dénoncer un transfert injuste vers les salariés et cotisants.
« Fixer la bonne incitation demeure un exercice délicat. »
Pierre Ferracci, Groupe Alpha
Arguments des partisans et critiques des opposants
Patrick Martin relève que 514 000 ruptures conventionnelles ont été signées en 2024, contre 440 000 en 2019, signe d’une mécanique appréciée qui a apaisé le contentieux prud’homal. Il vise, grâce à la réforme, un gain de 2 à 2,5 milliards € dès 2026 en préservant la paix sociale instaurée depuis 2008.
Les fédérations CFDT et CGT réfutent le scénario présenté par le Medef. Selon elles, agiter la crainte des abus sert à masquer une réalité : un nombre accru de ruptures recouvrirait des licenciements déguisés. Elles préviennent qu’un délai de carence porté jusqu’à cinq mois frapperait surtout les salariés disposant d’au moins six mois d’ancienneté, sans freiner la dépense Unédic.
« Ces ruptures sont une conquête sociale ; les fragiliser reviendrait à punir celles et ceux qui négocient loyalement. »
Marylise Léon
Quel impact envisager pour les employeurs et les salariés ?
Réviser l’allocation reviendrait à retoucher les équilibres bâtis autour de la procédure, car une moindre couverture renforcerait puis limiterait la capacité de négociation offerte par la flexibilité contractuelle. L’allongement du délai de carence reporterait la charge budgétaire.
Pour les employeurs, une indemnisation moindre réduirait immédiatement le coût pour l’entreprise, surtout dans les PME où chaque départ pèse. Les salariés, eux, conserveraient la protection du salarié assurée par l’indemnité légale, mais pourraient hésiter. Le législateur devra vérifier que la mesure ne détériore pas durablement l’attractivité du dispositif auprès des deux parties, à moyen terme.