Quand la précarité pousse 3 jeunes français sur 10 à cumuler plusieurs emplois

Par Frederic Becquemin

Salaires modestes et contrats courts redessinent silencieusement les débuts professionnels de toute une tranche d’âge. Accepter déjà un emploi précaire puis en empiler d’autres devient pour vous le rempart provisoire à la pression financière.

Vous constatez la prolifération des contrats fractionnés, elle morcelle les horaires et brouille les limites entre vie privée et travail. Sous ce rythme éclaté, des jeunes actifs voient chaque euro gagné s’effriter devant la fin de mois difficile, suscitant une fatigue mentale tenace. Entre rames de métro et écrans d’ordinateur, la perpétuelle recherche d’équilibre peut virer au vertige abrupt.

Radiographie d’une génération en difficulté

Depuis 2025, ADP Research observe que 28 % des 18-26 ans combinent deux postes, presque trois sur dix, tandis que la proportion chute à 10 % après quarante ans. La première saisie de salaire ne suffit pas, 43 % des employés bouclent difficilement leur budget mensuel.

Sous ces chiffres, un phénomène grignote le pouvoir de consommation : le coût de la vie élevé. Charges fixes, transports et paniers alimentaires engloutissent chaque euro et accentuent ainsi un pouvoir d’achat réduit pour une jeunesse qui multiplie déjà les efforts afin d’éviter le découvert bancaire en fin de mois, poussant certains à reporter tout projet d’autonomie résidentielle. Au-delà des données nationales, la pression frappe mondialement : 57 % des travailleurs déclarent jongler avec leurs factures.

Dans le détail, 59 % des personnes pourvues de deux postes et 61 % chez celles qui en cumulent trois ou plus manquent d’argent. Pour les moins de trente ans, l’arithmétique reste sévère : loyers, énergie, scolarité engendrent des budgets logement serrés que le salaire ne couvre plus. Beaucoup recherchent alors un revenu d’appoint, illustré par des témoignages :

  • Financer une formation tout en réglant un loyer étudiant.
  • Rembourser un prêt sans sacrifier la nourriture saine.
  • Constituer une épargne minimale malgré l’inflation.
  • Soutenir un proche frappé par la précarité.

Ces récits dévoilent une insécurité persistante malgré des records d’embauche.

Le cumul d’emplois, un choix contraint

Pour 15 % des salariés français, accepter un second poste relève avant tout d’une nécessité économique. L’étude note que dans les zones Moyen-Orient et Afrique, ce taux culmine à 34 %, preuve d’une tendance mondiale. Derrière chaque CV à rallonge se cachent des heures supplémentaires planifiées soir et week-end. Nombre de jeunes signent des contrats courts qui garantissent un minimum légal mais excluent les primes traditionnelles, tandis que d’autres s’aventurent dans le travail informel dépourvu de protection sociale, afin de maintenir un niveau de vie jugé acceptable.

L’empilement de fonctions déstabilise l’équilibre de vie personnelle, déjà fragile lorsque la journée débute avant l’aube et se termine tard dans la nuit. Selon ADP Research, 51 % des personnes cumulant des postes le font pour couvrir leurs besoins essentiels, 47 % pour épargner et 39 % en vue de la retraite. Les motivations diffèrent néanmoins avec l’âge : 40 % des moins de 40 ans recherchent surtout une expérience professionnelle supplémentaire, contre 27 % au-delà. Qu’elle soit subie ou marginalement choisie, cette stratégie reste le symptôme d’un marché salarial qui peine à garantir la sécurité recherchée.

Impact sur la santé mentale et sociale

Selon l’étude People at Work 2025 publiée par ADP Research, 59 % des salariés occupés sur deux postes et 61 % engagés sur trois missions ou davantage n’atteignent toujours pas l’équilibre budgétaire mensuel. Quand les heures s’enchaînent jusqu’après minuit, le risque d’épuisement augmente et la récupération se fait attendre. Parmi les 28 % de jeunes Français adeptes du cumul, les amplitudes horaires démesurées amputent le temps de sommeil, franchissant un palier dangereux vers une fatigue chronique aux répercussions multiples sur leur quotidien professionnel et familial global.

La pression financière déclarée par 43 % des salariés interrogés glisse rapidement vers un stress quotidien qui imprègne chaque pause, chaque trajet, chaque réveil. Le temps libre s’évapore, les rencontres se font rares, et un isolement social s’installe, affectant l’humeur collective. Les données datées du 30 juillet 2025 alertent les entreprises et les décideurs : accumuler des heures n’offre plus le bouclier espéré, mais déclenche souvent une spirale anxiogène délétère.

« Un emploi censé protéger peut désormais devenir la principale source de détresse des jeunes travailleurs »

Nela Richardson, Cheffe économiste chez ADP

Les disparités régionales et de genre

Des contrastes géographiques apparaissent nettement : au Moyen-Orient et en Afrique, 34 % des travailleurs exercent plusieurs métiers tandis que la proportion retombe à 24 % en Amérique latine et dans l’Asie-Pacifique. Cette cartographie met en lumière un fort écart salarial entre zones rurales et territoires urbains denses, où le coût de la vie s’accélère. En France, le cumul touche 15 % des salariés, mais bondit à 41 % chez ceux cherchant seulement à couvrir leurs dépenses essentielles mensuelles.

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Les données françaises dévoilent par ailleurs de nettes inégalités hommes-femmes : 16 % des Françaises additionnent plusieurs emplois contre 13 % des hommes, et 45 % d’entre elles déclarent des fins de mois difficiles, soit cinq points au-dessus de leurs collègues masculins. À ces écarts s’ajoutent 32 % de jeunes combinant cours et missions rémunérées pour financer une formation, témoignage d’un déséquilibre persistant malgré la hausse historique du taux d’emploi mondial enregistrée en 2024 auparavant inégalé.

« Une politique salariale plus transparente et la formation continue peuvent atténuer ces fractures territoriales et sociales »

Carlos Fontelas de Carvalho, Président d’ADP en France et Europe centrale

Le rôle des employeurs face à la précarité

Les résultats du rapport ADP montrent que 59 % des salariés possédant deux postes et 61 % de ceux qui en occupent trois peinent encore à équilibrer leur budget, même avec des semaines déjà chargées. Pour atténuer cette pression, de nombreuses entreprises s’orientent vers une politique de rémunération plus globale, intégrant des primes exceptionnelles liées aux performances.

En complément, elles instaurent des avantages sociaux couvrant la santé et la prévoyance, renforcent la formation interne pour accélérer les promotions et élargissent la flexibilité horaire afin de limiter le recours à un second emploi. La France affiche 43 % de salariés déclarant finir le mois difficilement, un taux inférieur à la moyenne européenne de 51 %, mais qui reste un signal pour les directions RH.

Introduire dès l’embauche une grille claire combinant une politique de rémunération transparente, des avantages sociaux accessibles, un parcours de formation interne balisé et une réelle flexibilité horaire favorise la rétention des jeunes talents : 28 % des 18-26 ans cumulent déjà plusieurs postes contre 10 % des plus de 40 ans, preuve que la précarité touche surtout la nouvelle génération.

Mesures publiques attendues pour soulager les jeunes actifs

Alors que 41 % des jeunes Français multiplient les missions pour couvrir leurs dépenses essentielles, beaucoup espèrent un soutien gouvernemental plus visible. Une revalorisation du smic régulière, assortie d’aides au logement plus faciles d’accès, permettrait de réduire le taux de 15 % de cumul d’emplois observé en France, bien en deçà des 34 % mesurés au Moyen-Orient et en Afrique.

En parallèle, une protection sociale renforcée limiterait les risques inhérents à l’emploi informel et offrirait un filet de sécurité aux 54 % de salariés qui, malgré un seul contrat, vivent « au jour le jour ». Le rapport souligne que 32 % des salariés tricolores utilisent un second revenu pour préparer leur retraite, signe que l’actuel système n’est plus jugé suffisant.

Les jeunes interrogés évoquent une lutte inégale face à l’inflation ; ils attendent un soutien gouvernemental ciblé, combinant une revalorisation du smic indexée sur les prix, des aides au logement mieux calibrées pour les petites surfaces urbaines et une protection sociale renforcée couvrant, entre autres, la santé mentale. Ce faisceau de mesures pourrait freiner l’ascension rapide du travail cumulé qui, dans certaines économies, touche déjà 24 % à 34 % de la population active.

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