Forte hausse des AESH en CDI : un pas vers la fin de la précarité ?

Par Louise Caron

Trois rapports successifs ont fait tomber les œillères, révélant une dynamique inattendue dans les académies. Plus loin, l’augmentation des CDI proposés aux accompagnants d’élèves en situation de handicap surprend autant qu’elle intrigue.

Pour autant, prolonger la durée d’un contrat ne règle pas tout, car le pouvoir d’achat patine, l’emploi du temps reste éclaté et l’anxiété demeure. Derrière le rideau, une précarité persistante subsiste malgré la loi du 16 décembre 2022, encore jeune et attend sa traduction.

Un cadre légal assoupli pour les contrats des accompagnants

Depuis le 16 décembre 2022, la loi n°2022-1574 simplifie la vie contractuelle des accompagnants d’élèves. Son article premier autorise le passage du CDD au CDI dès que le salarié franchit le seuil de trois ans d’activité, contre six années auparavant. Cette bascule automatique met fin au plafond de trois renouvellements et réduit la précarité ressentie par 139 764 AESH

Les données officielles indiquent déjà 89 448 contrats à durée indéterminée, soit 64 % de l’effectif, alors que ce taux stagnait à 20,82 % avant la réforme ministérielle au cours de l’année scolaire 2023-2024, ce qui confirme son impact rapide. La phase d’application a été détaillée par le décret de juillet 2023, pièce centrale du dispositif. Il garantit que la quotité de travail fixée lors du passage en CDI reste figée toute l’année scolaire, ce qui évite une cascade d’avenants et assure une solide sécurisation juridique pour chaque accompagnant transféré d’un établissement à un autre.

Grâce à cette stabilité, la transition vers le CDI n’est plus considérée comme un aboutissement lointain mais comme une étape attendue, soutenue par une contractualisation rapide qui sert de levier de fidélisation, malgré une rémunération d’entrée à 965 € nets mensuels au premier échelon pour les 139 764 agents concernés directement.

Un taux de CDI inégal entre AESH et AED

Sur le terrain, les écarts contractuels persistent entre deux catégories d’assistants. Les AESH affichent désormais 64 % de CDI, alors que les AED plafonnent à 14 % d’après les données d’avril 2025 : cette réalité incarne des disparités chiffrées que l’administration peine à combler. La différence trouve racine dans des critères d’ancienneté plus exigeants pour les AED, tenus de totaliser six années de service sans garantie automatique. À cette singularité s’ajoute la présence de profils étudiants – environ 30 % du corps – qui choisissent des missions et prolongent la précarité dispositif.

Plusieurs blocages financiers ou organisationnels limitent encore la progression vers le CDI pour les assistants d’éducation. Les chefs d’établissement évoquent un refus de titularisation lorsqu’ils ne disposent pas de lignes budgétaires pour pérenniser les postes, laissant des personnels qualifiés sous CDD après six ans d’activité.

En novembre 2022, 2,55 % des AED possédaient un CDI ; en avril 2025, seuls 8 800 sur 62 863 y sont parvenus.

Afin de visualiser le fossé entre les deux fonctions, la synthèse suivante met en lumière les écarts les plus parlants :

  • 64 % d’AESH disposent d’un CDI contre 14 % d’AED.
  • Près d’un AED sur trois est étudiant et privilégie un temps partiel.
  • Le seuil d’ancienneté exigé atteint six ans chez les AED, trois ans chez les AESH.
  • Après six contrats, la titularisation reste aléatoire dans de nombreux collèges.

Des contrats stables mais des conditions salariales critiques

Depuis novembre 2022, 25 601 AESH disposaient d’un CDI ; en avril 2025, ils sont 89 448, progression applaudie pour la stabilité contractuelle. Derrière cette avancée, l’équation financière reste délicate : les accompagnants effectuent 24 heures hebdomadaires, soit 62 % d’un plein temps, pour une rémunération nette plafonnant à 965 € au premier échelon. Le contraste avec le seuil de pauvreté, établi à 1 216 €, saute aux yeux.

Beaucoup subissent donc un temps partiel subi, imposé par l’organisation du service scolaire, et voient leur activité professionnelle se transformer en simple appoint domestique, pour équilibrer un budget déjà fragile chaque mois. La question salariale n’est pas l’unique épine. Les AESH se voient fréquemment proposer – ou imposer – des avenants annuels modifiant affectation, horaires ou nombre d’élèves suivis. Refuser entraîne parfois un licenciement, ce qui fragilise la sécurité tout juste acquise.

Autre pierre d’achoppement : la pause méridienne, désormais financée par l’État, allonge la journée sans majoration correspondante. Cette organisation étire le temps de présence tout en conservant la même quotité horaire comptabilisée. Même dotés d’un contrat indéterminé, les accompagnants avancent donc dans un brouillard administratif lourd à gérer.

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Pistes concrètes pour renforcer l’attractivité du métier

Fidéliser les personnels passe avant tout par une hausse des revenus. Un plan pluriannuel pourrait porter le premier échelon au-delà de 1 400 € nets, marque symbolique qui mettrait fin au statut de travail d’appoint et incarnerait une véritable revalorisation salariale. Parallèlement, investir dans une formation continue certifiante — troubles du spectre autistique, communication alternative, gestes de secours — enrichirait les compétences, renforcerait la confiance professionnelle et ouvrirait des passerelles vers d’autres missions, sans quitter le champ de l’accompagnement scolaire des élèves.

Un second levier vise à structurer une réelle progression professionnelle. Après cinq ans d’expérience, les accompagnants pourraient accéder à des fonctions de coordination, puis, par passerelles, rejoindre le corps enseignant spécialisé : cette perspective donnerait chair à une carrière évolutive. Un tel dispositif suppose un financement public fléché, garantissant les hausses de salaire, les heures de tutorat et les coûts de diplômes universitaires. Avec argent sécurisé et horizon dégagé, stabilité, reconnaissance et ambition avanceraient ensemble durablement.

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2 réflexions au sujet de “Forte hausse des AESH en CDI : un pas vers la fin de la précarité ?”

  1. Bonjour, pour avoir exercer le métier d’AED et actuellement le métier de AESH titularisé, j’observe certains points faux. Le métier d’AED ne s’oriente pas vers un CDI puisque à la base spécialement réservé à des étudiants ( longues étude) ensuite pour le métier d’AESH il est difficile de prétendre à un salaire plus élevé pour les 24h effectués en école primaire je précise pour les collèges c’est 30h. Il est à noter que nous avons pratiquement 3 mois de congé payés. Faut-il se plaindre? Toutes personnes ayant accepté ce travail d’AESH savaient à quoi s’en tenir.

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  2. Bonjour,
    J’ai longuement hésité à écrire ce commentaire…
    J’ai trouvé cet article plutôt bien jusqu’à votre prise de parole… que je trouve inutile ! Personnellement j’ai déjà travaillé 27h en primaire et 35h en collège en tant qu’AESH. Je fais ce métier depuis 2007 et j’espère qu’un jour nous serons mieux payés malgré nos  » pratiquement 3 mois de congés payés « . À ce propos, peut-on parler de congés payés lorsque nos contrats et payes se calculent sur 36 semaines de travail au lieu de 52 ?

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